Pierre J. Jeanniot
O.C.,C.Q.,B.Sc.,LL.D.,D.Sc.
Association canadienne pour les Nations Unies – Grand Montreal – Pierre Jeanniot delivering the closing address
L’AVIATION INTERNATIONALE :
VIVRE AVEC LES CONFLITS DANS LE VILLAGE GLOBAL
Association canadienne pour les Nations Unies – Grand Montreal
Montréal, le 19 novembre 2014
Allocution par Pierre J Jeanniot >>
Mesdames … Messieurs …
Je suis évidemment très honoré de m’adresser aujourd’hui au chapitre Montréalais de l’Association Canadienne pour les Nations Unies.
Une Association d’ailleurs à laquelle j’adhère depuis plusieurs années.
Les Nations Unies sont une Association très importante mais pas toujours apprécie à juste valeur à cause peut-être de la lourdeur de ses mécanismes.
Il n’est certes pas facile d’harmoniser les opinions et les objectifs parfois divergents de l’ensemble des nations de notre planète.
Je comprends les difficultés que ce défi représente.
J’ai eu l’honneur pendant quelques dix années de diriger la destinée d’un organisme international qui représentait quelques 250 membres lignes aériennes.
L’Assemblée des Nations Unies avait décidé dès 1944 de créer un certain nombre d’organismes mondiaux qui auraient pour mission d’accomplir certains des objectifs qu’elle s’était fixées.
L’OACI était un de ceux-ci et je crois comprendre que son Secrétaire Général actuel Raymond Benjamin dans une de nos conférences l’an dernier vous a décrit son rôle et sans doute ses présents défis.
Brièvement vous vous rappellerez sans doute que l’OACI établie les règles et les procédures qui régissent les droits et la façon dont l’aviation civile opère mondialement.
Cela inclus la juridiction sur les espaces aériens les couloirs de navigation aériennes et un certain nombre de standards techniques pour la navigation la sûreté et la sécurité.
Lors de leur première réunion en décembre 1944 le groupe fondateur de l’OACI avait rapidement conclue qu’il y avait nécessité pour une autre organisation.
Celle-ci aurait pour mandat de développer des standards et normes opérationnelles et commerciales au-delà des compétences de l’OACI.
Il s’agit de compétences qui seraient beaucoup plus de ressort d’organisation commerciale et opérationnelle.
Ce qui a été concrétiser par la création de l’IATA – l’Association Internationale des Transporteurs Aériens.
La première rencontre de l’IATA a été lieu en Avril 1945 à la Havane à Cuba.
Il va sans dire que le Canada a joué un rôle majeur dans la création de ces deux organismes et au fait qu’elles avaient été établis à Montréal.
Je crois que le rôle primordial des Nations Unies est la préservation de la paix mondiale et de créer le climat et l’harmonisation qui facilitent la coexistence pacifique des peuples.
A cette fin l’aviation civile telle qu’encadré par l’OACI et jusqu’à un certain point l’IATA joue un rôle essentiel permettant d’accélérer la création de liens économiques, sociaux et culturelles.
Nous célébrons cette année le 100ème anniversaire du premier vol commercial.
En janvier 1914 un hydravion traversa la baie de Tampa en 23 minutes avec à son bord un premier passager payant.
La distance était de 34 kilomètres et le vol reliait St. Petersburg à Tampa en Floride.
Le service ne fut offert que pendant 4 mois.
Les lignes aériennes avaient déjà dès le départ des problèmes de rentabilité!
Aujourd’hui – 100 ans plus tard – mondialement les lignes aériennes transportent 8.5 millions de passagers à tous les jours.
Avec les réseaux de télécommunications internationales l’aviation civil est en train de créer le ‘Village Globale’ envisagé par Marshall McLuhan.
Aujourd’hui il est possible de rejoindre n’importe quel destination au monde en moins de 24 heures.
Donc l’aviation commerciale à 100 ans et j’ai eu la chance d’y participer pendant plus de la moitié de cette période.
Les défis que cette industrie a dû relever ont été nombreux et fréquent, et il m’a été suggère de vous entretenir de quelques-uns de ces défis auxquels le hasard a permis que je puisse contribuer à leurs résolutions.
(Je vous signale en passant que la biographie dont Jacqueline Cardinale du H.E.C. est l’auteure et ici présente couvre d’une façon beaucoup plus complète la plupart des anecdotes dont il sera question aujourd’hui.
LA BOÎTE NOIRE
Les écrasements d’avion sont spectaculaires et largement médiatises.
Ce sont toujours des événements douloureuses et ressenti par l’ensemble de la communauté des lignes aériennes.
Chaque accident est un accident de trop et bien qu’utopique nous partagerons tous l’objectif de faire tout en notre pouvoir pour bien comprendre la ou les causes de chaque accident afin de nous assurer qu’il ne se reproduise jamais.
Dans cette analyse détaillée de chaque accident la ‘Boîte Noire’ joue incontestablement un rôle important.
On m’a – et je crois abusément – affublé indûment du titre de ‘Père de la Boîte Noire’.
Une invention est rarement le fruit d’une seule et unique personne mais bien l’aboutissement de plusieurs développement et c’est certainement le cas de cette Boîte Noire ou l’enregistreuse de données de vol.
En anglais – Flight Data Recorder – F.D.R.
Dès la fin des années 1950 il existait aux États-Unis une petite enregistreuse de vol qui inscrivait sur une bande l’aluminium à l’aide d’un stylus de métal, six paramètres simples qui indiquent la vitesse, la direction du vol, l’altitude, l’heure, la marche des moteurs.
En 1958 la TCA – Trans Canada Airlines aujourd’hui Air Canada – avait installé dans ses appareils DC-8 et Vanguard une version de cette enregistreuse.
Malheureusement cette enregistreuse était trop souvent détruite lors d’un accident n’ayant pu résister à la force de l’impact ou aux méfaits des feux.
Dans les meilleurs des cas les traces sur la bande métallique étaient très difficiles à lire et à interpréter.
Ce fut la situation dans le cas de l’accident du DC-8 de Trans Canada Airlines à Ste Thérèse ou l’enregistreuse avait été totalement pulvérisée.
Deux enquêtes successive des plus exhaustives conduite avec la participation des meilleurs experts des diverse secteurs de l’aéronautique durent s’avouer vaincu.
Le rapport conclue à l’impossibilité d’établir la cause exacte de l’accident.
Parallèlement une firme Britannique avait convaincre T.C.A. d’acheter leur invention qui devait révolutionner la façon de faire de l’entretien des avions.
Elle proposait d’enregistrer la performance d’un certain nombre de systèmes importants et de faire une suivi afin de détecter toute détérioration de la performance et ainsi de faire de l’entretien préventif.
En principe c’était une idée merveilleuse mais malheureusement compte tenu du développement technologique à l’époque en pratique elle ne valait absolument rien.
Mon patron qui avait été séduit par l’invention m’avait chargé de l’installation de cette enregistreuse … et de développer son utilisation aux fins d’entretien préventif.
Je me suis rapidement aperçu que ce merveilleux système n’était pas fonctionnel pour des fins d’entretien préventif.
Sur un aller-retour Montréal-Vancouver de 12 heures de vol, la seule lecture de la bande enregistreuse pouvait prendre plusieurs heures sans compter qu’il fallait ensuite analyser en détail et établir des corrélations.
L’enregistreuse avait la capacité d’inscrire sur bande magnétique jusqu’ à 90 paramètres à toutes les 3 secondes.
L’enregistrement était analogique et à toute fin pratique aurait pris beaucoup trop de temps à déchiffrer.
Il va sans dire que mon rapport essuya un fort mauvais accueil de la part de mon patron ainsi que de la firme britannique qui avait développé le système.
C’est là que m’est venu l’idée de se servir de cette enregistreuse non pas pour l’entretien – mais pour l’analyse post-mortem d’un accident.
Il s’agissait d’assurer que les paramètres désiré soient les plus pertinent pour l’analyse d’un accident et que l’enregistrement survive à un écrasement.
Pour ce faire nous avons proposé un contenant pouvant résister à un impact de 1000G et une chaleur de 1800C pendant 20 minutes.
Ce que fut fait avec succès.
Nous avons ainsi développé la façon de faire toutes les lectures et les corrélations qui seraient utiles à l’analyse détaillées d’un accident.
Cette nouvelle version du ‘Flight Data Recorder’ est rapidement devenu la norme de l’industrie et pendant quelques deux années nous étions la seule installation qui pouvait faire l’analyse des résultats.
Nous l’avons ensuite cédé à Transport Canada.
Assez rapidement il fut décidé d’ajouter une deuxième enregistreuse cette fois désignée ‘Cockpit Voice Recorder’ ou C.V.R. qui enregistrait les bruits et conversations des pilots et tout autre personnel dont on entendrait la voix.
De l’enregistrement analogique de 90 paramètres – la ‘Flight Data Recorder’ – est passé à plus de 1200 paramètres en numérique et solid state.
Dans les derniers 40 ans le système a grandement contribué à élucider un bon nombre d’accidents.
Mais des événements récents et plus particulièrement cette année nous demande de réfléchir sur un certain nombre de lacunes qu’il faut combler.
Il s’agit évidemment de la disparition d’avion recemment celui de Malaysian Airlines et plus tôt il y a quelques 5 ans la disparition d’un vol d’Air France.
SAFE SKIES OVER AFRICA
La sécurité aérienne a toujours été une de mes préoccupations principales et dès mon arrivé à la tête de l’IATA j’avais décidé d’en faire mon objectif numéro 1.
L’IATA ne s’était jamais officiellement préoccupe de la question; nous n’étions pas habilité à donner des certificats de navigabilité ou à imposer quelque contraintes techniques ou quoique ce soit.
Par contre le trafic international était en pleine croissance. Il était évident que si nous n’arrivions pas à diminuer le taux d’accident on en viendrait dans quelques années à déplorer un accident par semaine!
Cela ne me semblait tout simplement inacceptable!
Nous avions mis un groupe de travail sur pieds afin d’analyser les causes des divers catégories d’accidents.
Leurs natures, leurs causes, les régions, les types d’équipements etc., tout cela a été très révélateurs.
Cela nous a permis d’analyser plus profondément chaque catégorie et dans le mesure du possible d’établir des programmes qui s’adressaient à chaque catégorie.
En ce qui concernait les divers régions du globe le continent africaine était de loin le plus mauvais élève l’lorsqu’il s’agissait de sécurité aérienne.
Le taux d’accident en Afrique était de l’ordre de huit à dix fois supérieur à celui d’Europe et d’Amérique du nord.
Un pourcentage important de ces accidents était relié aux mauvais conditions d’infrastructure que ce soit les aéroports ou les services de navigation aériennes.
Nous avions catalogué un bon nombre de déficiences mais il était difficile de convaincre les divers gouvernements concernés à prendre la chose au sérieux.
Une occasion de faire bouger les choses se présenta quelques mois plus tard.
Le Président American ‘Bill Clinton’ venait d’annoncer un vaste programme visant à favoriser les échanges commerciaux entre les États-Unis et les pays subsahariens notamment le Ghana, le Sénégal et l’Afrique du Sud.
Des compagnies Américains tel que Delta et d’autres se montraient intéressées à des partages de code avec des lignes aériennes Africaines dans le but d’exploiter ce nouveau marché prometteur.
Cela nous donna une opportunité de mettre en évidence les lacunes en infrastructures du continent.
C’était durant le deuxième mandat de Bill Clinton et j’avais rencontré son nouveau Secrétaire d’État au Transport Rodney Slater, un Afro-Américain qui allait bien sur jouer un rôle important dans ce programme d’ouverture de marché.
Il nous fut facile de le convaincre qu’il était indispensable d’améliorer la sécurité des cieux Africains avant d’aller plus loin dans tout programme d’échange économique avec le continent noir.
J’ai donc décidé de détacher notre Directeur Régional pour l’Afrique, Sassy N’Diaye, pour qu’il accompagne Rodney Slater dans une tournée initiale du pays concernés afin d’identifier clairement les déficiences qu’il s’agissait d’éliminer.
Cette tournée largement inspirée par l’IATA donna naissance au programme « Safe Skies over Africa » dans le cadre du quel se furent signées des ententes qui stipulent l’installation d’équipement modernes et de mesures de sécurité adéquates comme condition ‘sine qua non’ pour tout pays d’Afrique intéressés à s’ouvrir au commerce avec les États-Unis.
Il va sans dire que ces installations d’équipements modernes et mesures de sécurités adéquates étaient largement ce que nous avions identifiés.
Dans sa tournée pan Africaine sur toutes les tribunes le Président Clinton terminait ses discours en soulevant la question de sécurité et se félicitait que les États-Unis avait fait preuve de vision afin d’aider les pays africains à améliorer leurs structures aériennes.
Le tout fut entériné par le Senat avec « l’Africa Trade Act ».
Trois ans plus tard huit pays Africains avaient largement éliminé les problèmes que nous avions identifiés.
Il s’agit de l’Angola, le Cameroun, le Cap Vert, la Cote d’Ivoire, le Kenya, le Mali, la Tanzanie et le Zimbabwe.
Nous étions évidemment satisfaits des résultats mais il restait encore beaucoup à faire.
Et même si les choses se sont grandement améliorer, le continent Africains continue à démontrer un taux d’accident bien supérieur à d’autres régions du globe.
FONDS BLOQUÉS
Un des problèmes auquel se heurtent les lignes aériennes dans leurs activités internationales est le blocage de fonds.
Cela peut-être le résultat d’un embargo décrété par les Nations Unies tel que dans le cas de la Lybie à l’époque où celle-ci était soupçonner d’avoir orchestré l’attentat de Lockerbie.
Assez fréquemment il peut s’agir de manque de liquidité en devises étrangères nécessaire pour les échanges internationales.
J’avais d’ailleurs été confronté avec cette situation lors de l’ouverture du premier bureau de l’IATA en Chine en 1993.
À l’époque Pékin autorisait difficilement la sortie de devises hors du pays.
Dans ce cas particulier cela n’avait pas posé d’inconvénient, dans l’immédiat nous avions l’intention d’utiliser les fonds bloqués en les affectant à des opérations appelées ensemencements en attendant l’ouverture des canaux financiers.
Dans les années 90 le problème des fonds bloqués se présentait de façon important en Iran.
On se rappellera qu’en 1979 le Shah d’Iran s’était refugie aux États Unies suite à un coup d’état orchestré sans doute par l’Ayatollah Khomeiny depuis la France ou il s’était exilé.
La République Islamique fut proclamée et le régime en place favorisa l’instauration d’un gouvernement théocratique et le strict enseignement du Coran.
La même année l’anti-américanisme atteignait son paroxysme avec la prise d’otage à l’Ambassade des États- Unis.
En représailles les États Unies bloquaient les fonds Iraniens en terre Américaine et Iran décide de réagir en faisant de même à l’égard de toutes entreprises étrangères.
Après la mort de Khomeiny les nouveaux maîtres de l’Iran scellèrent d’avantage le pays en regard avec l’occident.
Les fonds des entreprises étrangères en Iran continuèrent d’être bloquées et les compagnies aériennes internationales ne furent pas épargnées.
Dans les années 90 les fonds bloqués appartenant aux membres de l’IATA se chiffraient aux alentours de 150 millions de dollars et ce chiffre était en croissance.
Des vols continuaient d’arriver à Téhéran en provenance de Paris, Zurich, Londres ou Frankfort mais les compagnies aériennes qui vendaient leurs billets en dollars américains ne pouvaient pas sortir leur argent d’Iran.
La situation économique n’aidait pas les choses pour l’Iran.
Le prix du pétrole n’atteignait plus les sommets précédents sur le marché international et la vente de tapis qui depuis toujours était une excellente source de devises étrangères avait chutés d’une façon notoire.
Pour essayer de compenser un manque de devises étrangères le gouvernement en place à voulu miser sur le tourisme.
J’avais fait quelques visites précédentes en Iran … sans grands succès d’ailleurs pour débloquer les fonds lors qu’Une invitation du Ministre des Transports vint de me donner une nouvelle opportunité.
Le gouvernement avait espéré augmenter le tourisme en augmentant le nombre d’aéroport et ainsi donner accès à de nouveaux sites d’intérêt.
Le Ministre des Transports avait pour mission de me persuader de l’importance de ces nouveaux sites touristiques et d’intéresser les lignes aériennes d’augmenter leurs vols.
Après quelques visites d’ouverture possible de nouvelles destinations prometteuses les discussions s’ouvrirent sur la question clef.
Honnêtement il me semblait extrêmement difficile d’inciter les lignes aériennes d’augmenter le nombre de leurs vols vers l’Iran alors qu’il leurs était impossible de rapatrier leurs argents et a un taux de change acceptable.
De fait il était fort probable que bien des lignes ariennes opérant en Iran se préparaient à diminuer leurs vols pour ne pas augmenter leurs fonds bloquées.
La discussion se déplacer rapidement sur un autre terrain et le gouverneur de la Banque d’Iran fut appelé à la rescousse.
La question était devenu : «Combien d’argent pourrait être débloquer – et à quel taux de change? »
Les négociateurs Iraniens accepteraient finalement de débloquer des fonds à la hauteur de 85% du total avec un taux de change qui protégeait la valeur au moment de l’achat du billet.
Je m’engageait à encourager les compagnies de l’IATA à augmenter leurs vols vers l’Iran en vue de favoriser le tourisme.
En retour d’un document qui s’engageait à libérer immédiatement les fonds bloqués auquel tous deux apposeraient leurs signatures au nom du gouvernement Iranien.
De retour à Genève alors que j’étais sur le point d’émettre un communique de presse pour annoncer la bonne nouvelle j’ai reçu un message urgent et top secret de la part du Ministre des Transports de l’IRAN.
Il m’indiquait que l’accord avait été refusé par le conseil des ministres qui s’était tenu la veille.
J’ai décidé d’ignorer ce message. J’ai convoqué la Presse et indiquer que j’avais en main un accord dûment signé par des représentants officiels du gouvernement Iranien autorisant le retour du fonds bloquées.
J’en profitait pour féliciter le gouvernement Iranien pour leur ouverture d’esprit et leur désir de voir le trafic touristique s’accroître vers leur pays.
Les media firent amplement écho à cette bonne nouvelle.
Pendant les 3 jours qui suivent je n’ai reçu aucune nouvelle de Téhéran. Puis au 4eme un message laconique qui confirmait officiellement que l’accord avec l’IATA serait respecté.
J’ai appris par ailleurs de source officieuse que le Ministre des transports et que le gouverneur de la Banque d’Iran avait été muté à d’autre poste administratif.
Le problème des fonds bloquées continue malheureusement aujourd’hui à causer des problèmes financiers aux lignes aériennes tel que l’on a pu voir récemment avec le Venezuela.
OUVERTURE DE L’ESPACE AÉRIEN NORD-CORÉEN
Dans les années 1990 toute la région de l’Asia-Pacifique s’ouvrait au monde et nombreux étaient les transporteurs désireux d’établir de nouvelles liaisons entre l’Europe, Singapour et Hong Kong ainsi que vers différentes villes du Japon de Taiwan et de la Corée du Sud ou même des Philippines et de l’Indonésie.
La même tendance s’observait en provenance de l’Amérique du Nord.
Dans les deux hémisphères les couloirs tracés au-dessus de l’Europe, du Moyen-Orient, de l’Atlantique et du Pacifique suffisaient à absorber les flots de vols mais pas partout.
La situation s’aggravait du fait de la Corée du Nord bloquait entièrement l’accès à l’espace aérien qu’elle contrôlait sauf aux compagnies de l’ancienne union soviétique et de la China communiste.
Tous les autres appareils d’où qu’ils viennent devaient obligatoirement éviter l’espace qui avait été placé sous sa juridiction en le contournant soit d’un cote soit de l’autre.
Les compagnies aériennes avaient manifesté leurs immenses frustrations à cet égard auprès l’IATA.
Les coûts associés à ces contournements devenaient considérables de l’ordre de 150 millions de dollars U.S. par année et il devenait important de trouver des solutions.
La situation comportait aussi une dimension politique délicate.
Depuis la fin de la guerre froide les dirigeants de la ‘République démocratique de Corée’ non seulement bloquait les moindre intrusions de leur espace aérien mais interdisaient de surcroît toute forme de communication entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.
Alors que l’on réfléchissait sur la façon d’aborder la chose nous avons reçu une demande en provenance de la Corée du Nord pour permettre l’admission d’Air Koyo à l’IATA.
Le gouvernement du Nord Corée y voyait sans doute une forme de reconnaissance internationale.
Il y avait là une possibilité d’ouvrir une dialogue et d’entreprendre des négociations.
Par contre du point de vue de l’IATA il y avait dès le départ plusieurs problèmes importants qu’il nous fallait réglée.
Il nous fallait convaincre les militaires Nord-Coréens qu’il était possible de développer des couloirs aériens au-dessus de la Corée du Nord qui ne poseraient aucun risques pour leur défense territoriale.
Il nous fallait aussi nous assuré que l’espace aérien soit ouvert dans les conditions totalement sécuritaires.
Ors à cet égard le centre de contrôle de Pyongyang ne possédait malheureusement pas l’équipement nécessaire pour assurer un service de nivaux pleinement adéquats – ni pour la surveillance des couloirs aériens, ni pour les approches à l’aéroport.
Finalement un dernier obstacle semblait difficile à contourner: toutes communications entre les deux Corées étaient inacceptable de part et d’autre.
Pour faire passer les appareils de l’espace contrôler par Pyongyang à celui de Séoul les deux centres de contrôle doivent communiquer l’information sur les appareils au moment de changements de juridiction.
Remettant ce dernier obstacle à plus tard nous nous sommes penchés sur la question des déficiences techniques au centre de contrôle.
Il était évidemment bien connu que la Corée du Nord était à court de devises étrangères particulièrement de dollars américains.
Nous avons dû démontrer aux généraux de l’air Nord-Coréen que leur agence de navigation aérienne pourrait percevoir des redevances de survol et de droit d’atterrissage qui pourraient être une source importante de devises étrangères.
Évidemment l’IATA dès le départ contrôlerait les redevances afin d’assurer que l’équipement requis soit installer et que les contrôleurs Nord-Coréen reçoivent une formation adéquate.
Les deux parties en arrivèrent à un accord de principes.
Il restait quand même la question des communications entre les deux Corées qui demeurait strictement interdites!
Sur ce point … la Corée du Nord était intraitable.
Nous avons alors proposé une formule de compromis.
Nous avons offert que ce soit l’IATA qui installe et exploite des lignes téléphoniques entre Pyongyang et Séoul ce que permettrait à la Corée du Nord d’affirmé à la face du monde que la Corée du Nord n’avait établie aucun lien avec la Corée du Sud.
L’étape finale consistait à faire entériner l’entente par l’OACI.
Une fois les modalités négocier, régler et signer, l’OACI en accord avec les pays concernés qui avaient été sensibilisé par leurs lignes aériennes respectives ont rapidement entériné les modifications à l’espace aériens avec les nouveaux couloirs qui avaient été proposé.
Les économies annuelles de quelques 150 millions de dollars que nous avons ainsi obtenu en 1995 se chiffrerait aujourd’hui à 3 ou 4 fois ce montant.
LE 11 SEPTEMBRE 2001
Une des crises des plus importantes que l’aviation civile internationale a dû subir a été sans contredit les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 qui détruisit les tours du « World Trade Center » de New York.
Les coûts réels qui découlent de cet événement diabolique ne seront probablement jamais totalement comptabilisé mais nous vivons aujourd’hui et probablement encore pour très longtemps les multiples inconvénients et tracasseries avec lesquels les voyageurs aériens doivent s’accommoder.
Nous avons eu à l’IATA la responsabilité de gérer une partie de cette crise et pour illustrer cette gestion je reprendrais la séquence des événements tels que nous l’avons vécu.
Le 11 septembre 2001 je travaillais à mon bureau de Genève lorsque un peu avant 15 heures trois heures de l’après-midi mon directeur des relations publics à l’IATA, William Gaillard, se précipite dans mon bureau pour m’annoncer qu’un avion d’une de nos compagnies aériennes membres d’une capacité de plus de 250 passagers venait de percuter une des tours du « World Trade Centre ».
Nous avons immédiatement rejoint notre salle de conférence doté d’un écran géant qui permettait de voir en direct les images provenant de CNN – la chaîne de télédiffusion de nouvelles internationales.
Il paraît que les cies d’assurance avaient évalué la probabilité qu’un avion commerciale gros porteur percute un édifice important dans un centre-ville a un sur un milliard.
C’était paraît-il le risque ultime.
Alors que nous étions en train d’observer l’horreur de cet accident on aperçoit un deuxième appareil qui vient directement se fracasser sur la deuxième tour de cet important complexe.
Il était 09 :03 heures à New York soit 16 minutes après le première accident.
Une probabilité d’un sur un milliard tend vers zéro mais qu’elle se produise deux fois de suite dans un si court laps de temps – il devenait évident qu’il ne s’agissait plus du fruit de hasard.
Après quelques instants de stupeur et constatant qu’il s’agit d’appareils de deux compagnies américaine dont American Airlines et United Airlines, nous avons immédiatement conclue à un attentat orchestré pas des terroristes.
Je suis donc immédiatement retourné à mon bureau avec William Gaillard et j’ai pris rapidement trois décisions.
Nous avons établi une cellule de crise à Genève pour coordonner, gérer et distribuer l’information.
William Gaillard pris la responsabilité de la diriger et d’entrer en rapport avec tous les directeurs des communications de nos membres.
J’ai ensuite téléphoné au siège de Montréal et contacté le Vice-Président des Affaires Techniques qui normalement assume les responsabilités pour les questions de sûreté et sécurité.
Lui aussi prit la responsabilité de contacter les Vice-Présidents ou Directeurs Techniques de toutes nos compagnies membres afin de les avertir qu’une cellule spéciale à Montréal s’occupera de coordination l’information ainsi que l’évolution des mesures additionnelles de sécurité et sûreté à la lumière des événements de New York.
Finalement dans les minutes qui suivirent j’ai rédigé un message à l’attention de tous les présidents de nos compagnies aériennes les avisant que de tout probabilité des terroristes attaquent des lignes américaines.
En conséquences il leur est fortement conseillé d’abord de resserrer les mesures de sécurité au sol pour tout ce qui touche leurs opérations.
Ils doivent encore être plus vigilants si ils partagent des codes avec des lignes américaines et il est recommandé de passer au niveau maximum de sécurité.
Dans le même message je mentionne les coordonnés des deux cellules de crises que nous venons de mettre sur pieds et les assure de l’appui de l’IATA en toutes circonstances.
À 9h17 la Federal Aviation Administration (FAA) l’organisme qui contrôle l’aviation civile aux États-Unis décide de fermer les aéroports de la région de New York.
À 9h26 la F.A.A. arrête tous les décollages d’avions civiles et décrète que tous avions se trouvant à quelques part dans le ciel américain doivent atterrir le plus tôt possible.
Il y avait à ce moment-là environ 4500 vols en cours.
Le choc s’amplifie à 9h43 lorsque le Pentagone symbole ultime de la puissance militaire des États-Unis fait aussi l’objet d’une attaque.
C’était un Boeing 737 d’American Airlines partit de l’aéroport de Washington Dulles à 8h10 avec 64 passagers à bord et il s’abîme sur la partie centrale de la façade ouest.
Finalement à 10h21 la F.A.A. ferme l’espace aérien américain et ordonne que les vols internationales en cours au-dessus de l’Atlantique atterrissent au Canada.
Un quatrième appareil venait de s’écraser dans un champ de Pennsylvanie. Il était destiné pour s’écraser sur la Maison Blanche.
Cette décision unilatérale des autorités américaines de fermer l’espace aérien a été prise en complète violation de toutes les règles et accords qui régissent la circulation aériennes autour de la planète.
Elle signifiait qu’il fallait détourner plus d’un millier d’avions de leurs trajectoires en plein vol au-dessus de l’océan.
Ceux qui n’avaient pas déjà atteint le point de non-retour pourraient se rediriger vers un aéroport Européen mais pour les autres il fallait les recevoir au Canada.
Il faut féliciter l’Agence Canadienne de Navigation Aérienne, NavCanada, qui a accomplie un travail formidable.
Qui a dû répartir rapidement les points d’atterrissages pour des centaines d’avions en prenant compte de leurs autonomies et de la capacité d’accueil des aéroports de l’est du Canada.
La population Canadienne Riveraines des aéroports a également accueilli les voyageurs avec beaucoup de chaleur leurs offrent de les héberger temporairement.
Pour les États-Unis d’Amérique un attentat d’une telle violence a eu l’effet comparable à mon avis à l’attaque Japonaise sur Pearl Harbour.
En Europe la réaction des pays diffère d’un pays à l’autre.
La France et l’Allemagne et les autres pays européens qui ont déjà été la cible d’attaques terroristes sur leurs sol voyait la situation comme un problème de sûreté.
C’était sérieux mais gérable.
Les Anglais adoptèrent une attitude plus alarmiste. Ils se sentaient plus visé. Le trafic entre le Royaume-Uni et les États-Unis était considérable.
J’étais administrateur de U.K. NATS, l’agence de Navigation Aérienne Britannique, qui venait d’être transformé en PPP « Public Private Partnership ».
La perte immédiate de plus de 10% des revenues avait des répercussions financières catastrophiques.
Pendant les 2 jours qui suivirent soit le 12 et 13 septembre l’espace aérien resta fermé je demandais aux Présidents des lignes nord-américaines de faire pression sur leur gouvernement pour ré-ouvrir le marché le plus rapidement possible.
Le trafic aérien américain représentait environ 35% des activités de l’aviation civil mondial.
Si l’on compte les liaisons depuis les États-Unis vers le reste du monde la proportion devenait près de 50%. L’impact économique mondial devenait considérable!
Le 15 septembre le gouvernement Américain décida d’autorisé leurs compagnies de recommencer à voler mais les lignes étrangères n’étaient toujours pas autorisées.
C’était à nouveaux en violation des règlements internationaux de la Convention de Chicago.
Il a fallu protester avec véhémence et essayer d’influencer le développement de mesures additionnelles de sécurité qui puissent satisfaire les États-Unis et être gérable internationalement.
Enfin moins d’une semaine après le 11 septembre la situation revenait à une presque normalité dans les corridors au-dessus de l’Atlantique.
Mais il restait encore le problème épineux des assurances sans lesquels il était difficile d’opérer.
Les compagnies d’assurances refusaient de fournir des protections.
Les États-Unis accommodaient leurs lignes aériennes. En Europe l’aide était partielle et fragmenter.
Après multiples discussions les assurances acceptaient de fournir une protection strictement minimale.
Graduellement la situation redevint normale mais nous avons tous subi des pertes considérables.
LE SURVOL DES RÉGIONS OÙ IL Y A DES CONFLITS
La tragédie de la Malaysian Airlines vol MH17 a soulève la question de l’évaluation des risques à survoler des zones où il se livre des combats.
Rappelons que les nations ont la pleine souveraineté de leurs espaces aériens et leurs centres de control du trafic aérien autorisent et guident tous appareils à travers leur espace aérien.
Mais en fin de compte la décision d’opérer ou de ne pas opérer un vol revient à chaque ligne aérienne.
À mon avis la situation est très claire.
Il y a malheureusement encore aujourd’hui une multitude de zones de conflits sur notre planète mais fort heureusement malgré cette prolifération de conflits il n’y a eu depuis 1970 – soit 44 ans – que 18 attentats visant à détruire un avion civil.
Il y a eu 3 attentats au moyen de missile air-air dont 2 ont causé une perte totale.
La troisième n’a causé que des dégâts mineurs.
Dans chaque cas il s’agissait d’une erreur d’identité donc une bavure.
En plus du MH17 récemment abattu ont compte deux autres appareils de ligne abattus pas des missiles sol-air.
Curieusement un de ces derniers s’agissait un avion Russe d’une ligne Sibérienne qui fait abattu accidentellement en 2001 au-dessus de la Mer Noire par un missile Ukrainien!
La grande majorité des attentats ont été perpétrer à l’aide de MANPADS – Man-Portable-Air-Defense-System.
Ce sont des missiles portatifs tiré par un fantassin à courte distance et dont la charge explosive est de moins d’un kilo et demi.
Toutes ces attaques ont eu lieu dans une zone de conflit et à proximité d’un aéroport.
La dernière attaque remonte à plus de 10 ans.
Ces petits missiles portatifs ont un rayon de 3 kms et une altitude maximale de 15,000 pieds.
La tragédie du MH17 de Malaysian Airlines a évidemment consterné immédiatement toute l’aviation internationale et l’OACI a aussitôt créer un Task Force avec les autres leaders de l’industrie.
Le ‘Task Force on Risks to Civil Aviation from Conflict Zones’ (T.F.R.C.Z.) a semble-t-il présenté un rapport préliminaire récemment au Conseil de l’OACI le 17 octobre 2014.
Deux projets ont été identifiés.
(1) Un premier visant à identifier comment le NOTAM – Notice to Airmen – qui est la façon usuelle de communiquer aux pilots des facteurs importants qui peuvent être d’intérêt pour leur vol peut être mieux adapté afin de communiquer une évaluation des risques à survoler une région comprise dans le plan de vol.
(2) Le deuxième projet vise à créer un système centralisé qui pourrait permettre de recueillir et partager très rapidement l’information afin que les bonnes personnes reçoivent l’information pertinente ponctuellement.
(3) L’OACI a projeté une réunion exceptionnelle en février 2015 afin de faire approuver les recommandations qui permettront de développer et dé implanter les systèmes et procédures requises.
LA LOCALISATION DES APPAREILS EN TOUT TEMPS
Le deuxième problème majeur auquel les lignes aériennes ont dû faire face cette année est celui de la disparition inexplicable et inexpliqué du B.777.200 de Malaysian Airlines au-dessus de l’Océan Indien.
Pour nous tous il est inconcevable qu’une telle situation puisse se produire encore aujourd’hui et l’industrie des lignes aériens avec l’IATA dirige un autre Task Force afin d’y remédier.
Il existe aujourd’hui plusieurs constellations de satellites de communication qui pourraient contribuer à la solution.
Par exemple INMARSAT fait une suivie des navires de commerce et s’est offert d’aider.
Il y a aussi IRIDIUM qui pourrait fournir une certaine couverture.
Il y a aussi un certain nombre de satellites militaires.
Tout cela est à être revue afin de déterminer si il est possible d’avoir une couverture global qui rejoindrait toutes les parties du globe.
Aujourd’hui beaucoup d’avions particulièrement des gros porteurs sont équipée du système SATCOM qui permet la communication à partir de l’avion pour fin commercial et autres.
Cependant peu de compagnies opèrent ce système en continu en raison du coût de communication.
La plupart des vols aujourd’hui se font sur des routes aériennes qui sont suivi par une juridiction de navigation aérienne où une autre.
C’est en fait une minorité de vol qui survol un endroit où la couverture est en partie inexistante.
Le Task Force doit déterminer quel couverture sera requise et dans quelle région.
Il s’agira d’assurer pour ces vols exposés que des messages automatiques sur la position de l’appareil soient émis à courts intervalles.
Il y aura sans doute des recommandations à ce sujet qui seront formulé cette année.
Ce sera alors aux instances réglementaires et aux lignes aériennes de prendre leurs responsabilités.
Ces deux derniers défis soit la localisation en tout temps des appareils en vol et la question du survol des zones à risque vont modifier la façon de planifier les vols commerciaux ainsi que le suivi de ces vols en tout temps.
CONCLUSIONS
En conclusion et pour revenir à la case de départ il me semble évident que l’aviation civile internationale joue un rôle de support important aux Nations-Unies dans la recherche de la paix et de l’harmonie mondiale.
C’est le moteur de commerce mondiale et du tourisme internationale.
Les défis auxquels l’aviation internationale doit faire face sont nombreux et la manière dont certains des défis dont il a été question aujourd’hui illustre qu’il est important de demeurer vigilant et ouvert aux opportunités de régler le problème.
Il faut prendre la “balle au bond” lorsqu’un embryon de solution se présente.
J’espère que ces quelques anecdotes et description des défis typiques que rencontre l’aviation commerciale dans l’accomplissement de son rôle socio-économique vous ont donné un aperçu de l’atmosphère ‘tranquille et paisible’ dans lequel l’aviation commerciale opère d’un jour à l’autre.
En conclusion ce n’est peut-être pas un domaine qui enrichir les participants à quelques exceptions près mais c’est un domaine dans lequel il est très difficile de s’ennuyer!
MERCI!