Questions d’identité
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Etre Canadien et citoyen du monde
Au moment où l’Europe prend officiellement connaissance du projet de sa Constitution et que le Canada vient de commémorer la sienne, le 1er juillet, le moment est opportun de réfléchir, non seulement sur les rapports que le Canada entretient avec l’Europe, mais aussi sur l’évolution de l’identité canadienne dans un monde en mutation. Le récent sommet UE – Canada, qui s’est déroulé à Athènes le 28 mai dernier, en a déjà pris la mesure en concluant sur la nécessité d’intensifier et de réaménager nos relations bilatérales avec l’Europe. «Le moment est venu, a affirmé le commissaire européen Pascal Lamy, de franchir une étape dans la longue et fructueuse relation en matière de commerce et d’investissement entre l’UE et le Canada et de préparer un nouveau type d’accord bilatéral dans ces domaines, qui devrait être la réponse aux nouveaux défis du XXIe siècle en matière de commerce et d’investissement entre deux économies ouvertes et développées, et être le reflet d’un engagement sincère à promouvoir nos valeurs communes.»
Ces valeurs communes quelles sont-elles? Elles se fondent d’abord sur la prospérité: nos échanges et de nos investissements directs quoiqu’encore modeste par rapport au volume avec les Etats-Unis, est en progression croissante depuis une décennie. Elles se fondent sur l’attachement mutuel aux institutions multilatérales fortes et le respect de l’État de droit à l’échelle internationale. En effet, c’est en garantissant et aménageant leur stabilité que nous pourrons résorber les crises institutionnelles ouvertes depuis le 11 septembre et mises en lumière par la seconde guerre en Irak.
Le Canada, on le sait, a toujours été, grâce notamment à l’initiative de Lester B.Person, un partisan inconditionnel du multilatéralisme. Il a eu l’occasion de le prouver dans le gestion de plusieurs dossiers sensibles. Que ce soit au niveau de la Sécurité internationale, de l’environnement, du désarmement nucléaire, du maintien de la paix, de la défense de la diversité culturelle, la diplomatie, canadienne a toujours su trouver une voie médiane pour tenter de rétablir la justice sociale dans un monde multipolaire. Il convient désormais d’aller plus loin en inventant de nouveaux dispositifs d’action.
Une société civile mondialisée
Pourquoi? Parce que depuis que la planète s’est mondialisée, la manière d’agir sur les affaires du monde s’est transformée. Elle ne doit plus être désormais le monopole des seuls états ou des grands acteurs institutionnels. Il importe de proposer un nouveau type d’association ouverte au dialogue des cultures et aux défis sociétaux, technologiques économiques de ce nouveau siècle.
A cet égard les Canadiens sont particulièrement bien placés pour y répondre. L’ennui, c’est qu’il ne le savant pas ou du moins pas suffisamment. C’est notamment pour pallier à cette carence que le groupe les Canadiens en Europe a été crée voici quatre ans. Sa finalité essentielle: mettre en lumière les initiatives et les points de vue singuliers de la société civile canadienne dans le vaste débat enclenchée par la mondialisation. C’est au sein de cette société civile, croyons-nous, que résident les réponses aux défis de notre temps. Encore faut-il que cette société civile prenne conscience de sa singularité, de sa complexité, et accepte de la partager avec le reste du monde. Voilà pourquoi des relais comme les nôtre sont aujourd’hui utiles, voire indispensables.
Si les Canadiens expatriés étaient, hier encore, peu nombreux presqu’exclusivement membres du corps diplomatique et des sociétés multinationales, tel désormais n’est plus le cas. Plus cosmopolite, bien adapté aux exigences du marché mondial, cette nouvelle génération de Canadiens en Europe associe les qualités de pragmatisme nord-américain allié à une sophistication européenne. Interface naturel entre l’Europe et le Canada, les Canadiens européens contribuent à créer un réseau d’influence accrue, aptes à mieux mailler l’espace des relations bilatérales. La conjoncture qui prévaut aujourd’hui est propice pour un tel redéploiement.
Car, s’il y a un phénomène que la mondialisation a mis en lumière c’est bien la mondialisation accélérée des sociétés civiles nationales. En clair, cela veut dire que le relais étatique n’est plus en mesure d’encadrer comme naguère les relations avec le reste du monde. Aujourd’hui un individu avec un ordinateur branché sur le grande toile participe directement au nouvel espace public mondial en train de se constituer. Or ce «nouveau pays» dont il est le représentant incertain, n’est plus une entité territoriale mais bel et bien une configuration d’intérêts individuels et sociaux qui agit au-delà des ensembles nationaux. En conséquence : la taille et le poids démographique, la position géopolitique d’un pays, n’est plus aussi déterminant comme par le passé . Les identités nationales seront appelées désormais à intégrer la mobilité et la diversité comme des facteurs importants de leur affirmation nationale.
L’identité canadienne, fruit d’une longue maturation et de dialogues éclairés et constants, se prête particulièrement bien à cette nouvelle donne. Héritiers de deux grandes civilisations, riches de plus de 80 communautés immigrantes et d’une longue tradition autochtone en pleine renaissance, le Canada participe plus que jamais à cette pluralité du monde Avec la moitié de sa population d’origine immigrante dont 18% nés hors au pays, le taux le plus élevée depuis 70 ans, le Canada expérimente les conditions inédite d’une citoyenneté d’un autre type . Si la réflexion menée sur le multiculturalisme depuis trente ans a permis d’y intégrer l’héritage des autres cultures, la mondialisation aujourd’hui nous suggère de la projeter dans le monde. De sorte qu’être Canadien n’est plus l’apanage de celui qui y est né ou y habite mais relève, des affinités crées par le partage des valeurs communes.
Quelles sont ses valeurs? Ce sont les valeurs fondamentales que sont l’attachement à liberté, à l’initiative individuelle, à la justice sociale, à la paix dans le monde, au respect de l’environnement et de la diversité culturelle. Nul n’est besoin d’être né dans le pays pour y adhérer. C’est ainsi que l’on peut être «Canadien en Europe», en Asie, en Afrique ou aux Amériques. La Canadianité devient donc un état d’esprit et une manière de vivre commune à tous ceux qui ont choisi de partager ces valeurs.
Pierre Jeanniot, O.C.
Président des Canadiens en Europe